Étude comparative sur les services offerts aux vétérans dans d’autres administrations

Ottawa ON
Canada

Monsieur le président, membres du Comité,

Je vous remercie de votre invitation à prendre la parole devant vous au moment où vous entamez votre étude sur les services offerts aux vétérans dans d’autres administrations. 

Je crois qu’il est important de surveiller les mesures déployées par d’autres pays pour soutenir leurs vétérans afin de se tenir au fait des pratiques exemplaires. Toutefois, je crois également qu’il est impératif de mettre au point des solutions canadiennes pour répondre aux enjeux et aux problèmes canadiens. 

Par conséquent, au moment où vous entreprenez votre étude, j’aimerais avancer trois éléments qui constituent, selon moi, des facteurs importants dont il faudrait tenir compte quand vous soupèserez les témoignages que vous entendrez des autres pays. 

Ces éléments sont le contexte, la conception complexe et les résultats.

Contexte

Il est important de comprendre le contexte lorsque l’on examine les services offerts par d’autres pays à leurs vétérans. Le fait qu’un pays soit doté d’un système national de soins de santé ou que le coût de la vie y soit élevé sont deux aspects qui peuvent grandement influencer la décision d’assurer ou non la prestation d’un service, de même que la valeur monétaire de ce service. 

Laissez-moi vous donner un exemple de ce qui se produit lorsque l’on néglige de tenir compte du contexte.

En juin 2009, notre Comité a publié un rapport comparant les services offerts aux anciens combattants par les pays membres du Commonwealth et du G8. Dans ce rapport, certaines mises en garde étaient formulées pour rappeler aux lecteurs que les comparaisons directes ne sont pas toujours possibles. Toutefois, une grande partie du rapport était consacrée à la comparaison des paiements forfaitaires versés aux vétérans au Canada, en Australie et au Royaume-Uni. Compte tenu de la façon dont ces données étaient présentées dans le rapport, l’attention des vétérans et des médias s’est portée sur le fait que, à ce moment-là, un vétéran britannique recevait un million de dollars tandis qu’un vétéran canadien ne recevait que 267 000 $. Faute d’information sur l’environnement économique et les considérations en matière de soins de santé pour définir le contexte dans lequel ces prestations étaient fournies, cet accent mis sur la valeur réelle en dollars n’apportait pas la perspective pertinente dont nous avions besoin pour améliorer la situation ici au Canada.

L’an dernier, lorsque nous nous avons examiné l’indemnisation offerte pour la douleur et la souffrance dans le cadre de notre rapport intitulé Une indemnisation juste de la douleur et de la souffrance pour les vétérans et leurs survivants, nous avons mené des recherches sur les programmes offerts par d’autres pays, les avantages auxquels ont droit les autres Canadiens en cas de blessures professionnelles similaires et les dommages-intérêts accordés par les tribunaux canadiens. En observant la situation dans d’autres pays, nous avons constaté que les types de programmes tendaient à être similaires (par exemple, la plupart offraient une forme d’indemnisation pour la douleur et la souffrance), mais que la méthode de prestation des programmes, le degré de soutien et les critères d’admissibilité variaient. Bien qu’il soit utile d’apprendre des autres pour élaborer de nouveaux programmes, nous avons conclu qu’il est difficile d’établir des comparaisons directes, car chaque pays conçoit et administre ses programmes différemment afin de répondre aux besoins, aux impératifs nationaux et aux réalités économiques qui lui sont propres. 

La question du contexte s’applique également à la mise en œuvre des avantages. Aux États-Unis, il existe trois GI Bills offrant aux vétérans une aide à l’éducation en fonction du nombre d’années de service. En 2016, lorsque j’ai visité le département des Anciens Combattants des États-Unis, j’y ai assisté à la même séance d’information que celle qui avait été présentée à Anciens Combattants Canada lors de la création de la Prestation pour études et formation à l’intention des vétérans. J’ai notamment appris que le département des Anciens Combattants des États-Unis avait omis de consulter le département de la Défense pour l’élaboration de ses GI Bills, ce qui causait des problèmes d’harmonisation entre les départements. J’ai également remarqué que, pour les Forces armées canadiennes (FAC), les cycles de formation étaient nettement plus longs et les cycles de déploiement considérablement plus courts qu’au sein de l’armée américaine, ce qui pourrait influencer les résultats si une prestation américaine était transférée dans un contexte canadien sans égard ou adaptation à ces différences contextuelles.

À mon retour au Canada, j’ai discuté de ces questions avec Anciens Combattants Canada, et la bonne nouvelle est que le Ministère a engagé le dialogue avec les Forces armées canadiennes au sujet de la nouvelle Prestation pour études et formation à l’intention des vétérans, et l’admissibilité a été structurée de manière à tenir compte des cycles de formation et de déploiement des FAC ainsi qu’à favoriser les initiatives de maintien de l’effectif des FAC. Bref, pendant que nous attendons les derniers détails du programme, la compréhension du contexte a permis à Anciens Combattants Canada de créer une solution canadienne à un problème canadien.  

Conception complexe

Le second élément est la conception. Avant d’envisager l’ajout d’un autre avantage, nous devons évaluer la conception de nos prestations et de nos structures de soutien existantes à l’intention des vétérans. En effet, ce que nous avons dans le moment est trop complexe à administrer et à communiquer efficacement aux vétérans et à leur famille. Il nous faut simplifier et rationaliser le système de prestations offertes aux vétérans.

Je vous ai fourni deux schémas pour illustrer ce propos. Le premier schéma n’est pas un diagramme du processus à proprement parler; il montre plutôt comment tous les avantages offerts par les FAC et Anciens Combattants Canada sont interreliés et à quel point ce système est compliqué. Vous pouvez constater la complexité. Si j’avais à vous expliquer ce schéma un avantage à la fois, nous y passerions la totalité du temps alloué à la réunion d’aujourd’hui. Cela dit, si vous ou votre personnel souhaitez comprendre ce schéma, nous pouvons vous l’expliquer à votre convenance.

Comme vous le savez, certains nouveaux avantages ont été annoncés dans le budget de 2017. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est évaluer l’ensemble des avantages du point de vue d’une conception stratégique et vérifier si tout est en place pour fournir aux vétérans et à leur famille les mesures de soutien dont ils ont besoin, notamment un accès facile pour les vétérans admissibles. J’ai formulé quelques recommandations qui pourraient aider, mais surtout, il est important que la conception globale couvre les éléments fondamentaux qui doivent être en place pour appuyer tous les vétérans.

Le second diagramme illustre les principales composantes du soutien aux vétérans. Ce ne sont pas tous les vétérans qui auront accès à ces composantes, mais elles devraient être disponibles au besoin. Par exemple, si un vétéran est libéré sans problème médical ou sans exigence de soutien pour la transition, seules les zones en bleu s’appliqueront.

Les avantages sont vastes et diversifiés – tant par leur objectif que leur conception. Il peut s’agit d’avantages financiers, tels que la pension militaire, ou d’avantages de soutien, tels que la prestation d’une allocation d’études ou d’une aide pour trouver un emploi. Ces avantages comprennent également les services et les traitements dont les vétérans ont besoin en raison d’une affection médicale liée au service. Le défi consiste à déterminer comment « simplifier » la « conception complexe » actuelle tout en veillant à répondre aux besoins des vétérans.

Résultats

Enfin, pour s’attaquer aux enjeux relatifs aux vétérans, il est nécessaire de cerner les résultats que nous tentons d’obtenir ainsi que les valeurs de référence que nous utiliserons pour mesurer la réussite. 

Dans mon rapport de 2016, Une indemnisation juste de la douleur et de la souffrance pour les vétérans et leurs survivants, je recommandais que le montant maximal de l’indemnité d’invalidité corresponde au montant maximal accordé par les tribunaux. Le résultat atteint au moyen de cette mesure est que les vétérans reçoivent un montant au moins égal à celui que recevraient d’autres Canadiens victimes d’un accident du travail, et la valeur de référence utilisée pour mesurer la réussite est la même que celle utilisée par la Cour suprême du Canada. Je recommandais également qu’une indemnité supplémentaire soit versée aux vétérans en cas de souffrance exceptionnelle compte tenu du caractère unique du service militaire.

De plus, j’ai recommandé l’utilisation d’un modèle de remplacement du revenu pour garantir la sécurité financière du vétéran, de sorte qu’il reçoive le montant qu’il aurait pu obtenir s’il avait effectué une carrière militaire complète. Si le salaire et la pension versés par les Forces armées canadiennes sont considérés comme une indemnisation juste, alors il convient de s’assurer que le revenu d’un vétéran ayant une capacité de gains réduite en raison d’une blessure professionnelle soit versé jusqu’à concurrence de cette valeur de référence.

Des résultats précis sont requis pour définir l’état final. Nous devons nous poser les questions suivantes :

  • Offrons-nous aux vétérans une indemnisation juste pour leur douleur et leur souffrance?
  • Remplaçons-nous leur revenu comme s’ils avaient effectué une carrière militaire complète?  
  • Payons-nous toutes les menues dépenses relatives à leur invalidité?

Prochaines étapes

En conclusion, il peut être utile d’examiner les mesures prises par d’autres pays pour réduire la complexité du processus, éliminer les obstacles à l’accès aux programmes et communiquer efficacement avec les vétérans et leur famille afin d’améliorer notre système canadien. Il n’y a pas d’inconvénient à cela. Cependant, comme je le soulignais plus tôt, bien qu’il soit important d’apprendre des autres pour élaborer de nouveaux programmes, il est difficile d’établir des comparaisons directes entre les pays parce que chacun conçoit et administre ses programmes différemment afin de répondre à ses propres besoins, impératifs nationaux et réalités économiques. L’essentiel est de rester concentré sur la mise au point des solutions canadiennes à des problèmes canadiens, et de toujours tenir compte du contexte, de la conception complexe et des résultat.

Merci.

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