Réduction des pensions d’invalidité en raison de l’indemnisation au titre du règlement Merlo Davidson - Le 5 décembre 2022

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Le 5 décembre 2022 :

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député.
Ministre des Anciens Combattants et
Ministre associé de la Défense nationale
66, rue Slater, 16e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0P4
    
Objet : Réduction des pensions d’invalidité en raison de l’indemnisation au titre du
règlement Merlo Davidson


Cher ministre MacAulay,

Je vous écris pour vous faire part de mes conclusions à la suite d’une plainte que nous avons reçue de la présidente du Conseil des femmes de l’Association des anciens de la GRC au nom de certains demandeurs du règlement du recours collectif Merlo Davidson. Malheureusement, après un long examen, je dois vous informer que j’ai constaté une injustice dans la manière dont le Ministère réduit ou récupère les montants d’indemnisation des pensions d’invalidité d’ACC. Pour rectifier ce qui constitue essentiellement une autre injustice envers ces femmes courageuses qui ont souffert de la conduite répréhensible de leurs homologues pendant leur emploi à la GRC, je soumets deux recommandations à votre examen.

En mai 2017, le Tribunal fédéral (Citation : 2017 CF 533) a approuvé le règlement du recours collectif Merlo Davidson afin de « résoudre les réclamations des [...] membres du groupe qui ont subi [...] du harcèlement et de la discrimination fondés sur le genre et/ou l’orientation sexuelle [...] alors qu’ils travaillaient à la GRC pendant la période visée par le recours ». Les conditions pécuniaires du règlement visaient à « indemniser les membres du groupe qui ont subi un préjudice en raison de ce harcèlement ».

Six niveaux (annexe A) d’indemnisation ont été fixés : « [c]haque niveau établit une liste non exhaustive de comportements répréhensibles et d’effets sur la victime. Les multiples niveaux reconnaissent qu’il existe de nombreuses formes différentes de harcèlement et de discrimination fondés sur le genre et l’orientation sexuelle, et que chacune aura des conséquences uniques sur la victime ». Plus de 2300 femmes ont reçu une indemnisation dans le cadre de ce règlement.

Certaines de ces demanderesses bénéficient également d’une pension d’invalidité au titre de la Loi sur les pensions. Bien que je comprenne qu’ACC soit obligé, en vertu de l’article 25 de la Loi sur les pensions , de réduire une pension d’invalidité des dommages-intérêts ou de l’indemnisation accordés pour la même invalidité, il semblerait que cette exigence ait été appliquée injustement à certaines des demanderesses de Merlo Davidson. Nous savons qu’il y a au moins une demanderesse de niveau 1 ou 2 dont la pension d’invalidité psychologique/psychiatrique est réduite parce qu’elle a reçu une indemnité Merlo Davidson. Toutefois, le tableau d’indemnisation (annexe A) pour ces deux niveaux indique expressément que les « dommages psychologiques permanents » et les « troubles psychiatriques » ou « afflictions psychiatriques » ne sont pas des effets liés au comportement répréhensible décrit : Les indemnisations de niveau 1 et 2 ne compensent manifestement pas un quelconque handicap psychologique ou psychiatrique. Par conséquent, les demanderesses qui perçoivent une pension d’invalidité pour invalidité psychologique ou psychiatrique ne devraient pas voir leur pension d’invalidité réduite par les montants perçus au titre du niveau 1 ou 2 de l’accord Merlo Davidson.

Au cours des trois dernières années, nous avons interrogé le Ministère à plusieurs reprises au sujet de ces réductions de pension d’invalidité. À ce jour, nous n’avons pas reçu de justification claire de la façon dont ACC a évalué son obligation en vertu de l’article 25 de la Loi sur les pensions en ce qui concerne les demanderesses de Merlo Davidson, en particulier celles qui ont reçu une indemnité au niveau 1 ou au niveau 2.

Pour les autres niveaux d’indemnisation, il est regrettable que le libellé de l’accord de règlement ne distingue pas clairement quel pourcentage des montants d’indemnisation prévus dans le tableau d’indemnisation se rapporte aux effets du comportement répréhensible. Compte tenu de ce manque de clarté, il est naturellement difficile de déterminer de combien la pension d’invalidité connexe d’une demanderesse de niveau 3 à 6 doit être réduite. Si les niveaux 3 à 6 peuvent inclure une indemnisation pour des problèmes de santé mentale permanents, ils compensent également le comportement répréhensible lui-même et la gravité de la discrimination et du harcèlement subis par la victime. Cette compensation n’est pas une compensation pour l’invalidité. Par conséquent, si des réductions de pension d’invalidité sont effectuées à l’égard des demanderesses de Merlo Davidson en raison de problèmes de santé mentale permanents, le Ministère doit fournir aux demanderesses la méthode de calcul clairement articulée et accessible au public pour ladite réduction.

Nous reconnaissons que les accords de règlement des recours collectifs depuis Merlo Davidson ont été beaucoup améliorés en ce qui concerne cette ambiguïté concernant la double compensation. Les accords de règlement de Heyder Beattie et de la Purge LGBT étaient mieux formulés et mieux appliqués. Mais les femmes qui ont été victimes de harcèlement et de discrimination fondés sur le sexe et l’orientation sexuelle alors qu’elles étaient employées par la GRC ne sont pas aidées par ces améliorations.

D’après ce que nous avons compris, ces femmes disent qu’on les a encouragées à présenter une demande de règlement et qu’on leur a assuré tout au long du processus que leurs prestations d’ACC ne seraient pas touchées. Nous avons également entendu que les demanderesses se sentent revictimisées par ce qu’elles considèrent comme un manque de transparence quant à l’incidence négative sur leurs pensions d’invalidité. En effet, elles ont été à nouveau traumatisées par un processus confus et stressant qui a entraîné des réductions de leurs pensions d’invalidité.

N’ayant pas reçu de justification claire du Ministère à ce sujet, je ne suis pas en mesure de m’assurer que le Ministère s’acquitte correctement de sa responsabilité en vertu de l’article 25 de la Loi sur les pensions à l’égard de ses anciennes clientes de la GRC qui sont également bénéficiaires d’une indemnisation en vertu des niveaux 3 à 6 de l’accord de règlement Merlo Davidson. De plus, je ne suis pas certaine que ces anciennes femmes membres de la GRC qui ont été victimes de harcèlement et de discrimination aient reçu des informations suffisamment claires et précises sur les réductions. Je n’ai donc d’autre choix que de constater que l’indemnisation au titre des niveaux 1 et 2 de l’accord Merlo Davidson est injustement réduite des pensions d’invalidité des requérants pour des troubles psychologiques ou psychiatriques. J’estime également que le Ministère n’a pas fait preuve d’une transparence suffisante quant à la façon dont il détermine que l’indemnité approuvée aux niveaux 3 à 6 comprend une indemnité pour les pensions d’invalidité en vertu de la Loi sur les pensions et quel en est le montant.

Afin de rectifier cette injustice dans l’administration des pensions d’invalidité psychologique ou psychiatrique pour les demanderesses de Merlo Davidson, je soumets deux recommandations à votre examen :

Première recommandation : qu’ACC mette immédiatement fin aux réductions de pension d’invalidité pour les demandeurs de niveaux 1 et 2 de Merlo Davidson et qu’il émette des paiements correctifs aux femmes dont les montants de pension ont été récupérés. 

Deuxième recommandation : qu’ACC publie sa méthode pour déterminer si et dans quelle mesure l’indemnité Merlo Davidson comprend une indemnité pour une invalidité ouvrant droit à pension en vertu de la Loi sur les pensions et, à défaut, qu’il cesse immédiatement de réduire les pensions d’invalidité des demanderesses Merlo Davidson aux niveaux 3 à 6 et qu’il verse des paiements correctifs aux femmes dont le montant de la pension a été récupéré. 

J’espère que vous êtes également préoccupé par le bien-être de ces anciennes membres de la GRC et que vous conviendrez qu’elles ont vraiment assez souffert. Lorsque l’accord de règlement de Merlo Davidson est si ambigu en ce qui concerne l’identification du pourcentage de son indemnisation qui pourrait être interprété comme une blessure continue, je propose que le Ministère adopte une interprétation libérale de cette question en vertu de l’article 2 de la Loi sur les pensions en faveur des demanderesses du recours collectif.


Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués,

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Colonel (retraitée) Nishika Jardine
Ombud des vétérans


c.c. : M. Paul Ledwell
Sous-ministre, Anciens Combattants Canada

Pièce jointe :
Annex A: Niveaux d’indemnisation de Merlo Davidson[1]

Niveaux d’indemnisation de Merlo Davidson

Niveau

Le comportement répréhensible peut notamment comprendre les suivantes

Effet sur la victime :

Niveau 1 -
10 000 $

  • Commentaires à caractères sexuel
  • Blagues à caractère sexuel
  • Questions inappropriées sur la vie personnelle de la plaignante
  • Exhibitionnisme
  • Intimidation provoquant une blessure psychologique ou de l'anxiété
  • Railleries sous diverses formes
  • Communication de nature sexuelle ou amoureuse
  • Anxiété, cauchemars, crises de panique occasionnelles
  • Colère, sentiment d’humiliation
  • Perte de l’estime de soi
  • Sentiments de dégradation et de malaise
  • Nota : Pas de toxicomanie oud’interruption de travail, pas de blessures psychologiques chroniques

Niveau 2 -
35 000 $

  • Baisers
  • Attouchements dans un but ou une intention sexuelle
  • Simulation de relations sexuelles ou de masturbation
  • Agression physique causant des blessures 
  • Railleries sous diverses formes
  • Intimidation causant une blessure psychologique ou de l’anxiété
  • Communication persistante de nature sexuelle ou amoureuse
  • Exposition à la pornographie
  • Blessure physique
  • Incapacité temporaire nécessitant des soins médicaux
  • Stress post-traumatique, non grave
  • Autocondamnation, sentiment de culpabilité
  • Perte de confiance envers les autres
  • Anxiété, cauchemars, crises de panique occasionnelles
  • Colère, sentiment d’humiliation
  • Dépression légère
  • Brève interruption du travail
  • Nota : AUCUNE MALADIE PSYCHIATRIQUE, pas de toxicomanie alarmante, pas de détresse psychologique permanente

Niveau 3 -
70 000 $

  • Dénigrements fondés sur le sexe
  • Baisers ou attouchements sexuels persistants
  • Exhibition des organes génitaux à la plaignante
  • Avances sexuelles
  • Intimidation constante devant autrui
  • Invocation du grade afin d’intimider
  • Railleries dans un but dégradant
  • Communications incessantes de nature sexuelle ou amoureuse
  • Exposition persistante à de la pornographie
  • Représailles liées à l’environnement de travail
  • Stress grave affectant la santé du plaignante
  • Autocondamnation
  • Perte de confiance dans les autres
  • Anxiété élevée
  • Crises de panique fréquentes
  • Cauchemars intenses
  • Dysfonction sexuelle
  • Abus léger de drogue ou d’alcool
  • Blessure laissant une marque permanente
  • Interruption de travail temporaire
  • Perte de l’estime de soi
  • Perte de l’envie d’exprimer ses sentiments amoureux ou son désir
Niveau 4 -
100 000 $
  • Dénigrements persistants fondés sur le sexe
  • Attouchement des organes génitaux de la plaignante
  • Contact physique imposé à la victime
  • Agressions physiques causant des blessures
  • Exposition à la pornographie violente
  • Harcèlement à l’égard d’une plaignante vulnérable
  • Stress grave affectant la santé de la plaignant
  • Stress post-traumatique
  • Atteinte à la réputation ou au statut professionnel
  • Abus de drogue ou d’alcool Absentéisme
  • Idées suicidaires
  • Santé ou bien-être physique diminué
Niveau 5 -
150 000 $
  • Intimidation et agressions persistantes
  • Actes visant à dénigrer et à humilier la plaignante devant autrui
  • Diminution de la valeur de la membre pour la GRC en lui attribuant des tâches subalternes en deçà de ses capacités
  • Actes visant à entraver les conditions de travail et les possibilités d'avancement
  • Actes causant des problèmes interpersonnels
  • Actes visant à causer un stress émotionnel
  • Invocation du grade pour dénigrer
  • Avances sexuelles à répétition
  • Harcèlement à l'égard d’une plaignante en position de vulnérabilité moyenne
  • Forcer la plaignante à exécuter des actes sexuels sans pénétration
  • Stress grave affectant la santé de la plaignante
  • Stress post-traumatique
  • Tendances à l’obsession
  • Abus de substances intoxicantes
  • Problèmes dans les relations interpersonnelles
  • Pensées suicidaires
  • Blessure laissant une marque permanente
  • Sentiment de culpabilité,
  • Autocondamnation
  • Perte de la confiance en soi et d’estime de soi
  • Perte de l’envie d’exprimer ses sentiments amoureux ou son désir
  • Interruptions de travail
Niveau 6 -
220 000 $
  • Intimidations ou agressions continues
  • Forcer la plaignante à exécuter des actes sexuels avec pénétration
  • Harcèlement à l'égard d’une plaignante en position de vulnérabilité accrue
  • Actes visant à isoler la plaignante des autres membres
  • Actes visant à dénigrer la plaignante et à entraver ses possibilités d'avancement
  • Avances sexuelles
  • Invocation du grade pour dénigrer
  • Actes visant à provoquer un stress émotionnel
  • Stress grave affectant la santé de la plaignante
  • Stress post-traumatique grave
  • Comportement désorganisé
  • Problèmes de personnalité
  • Pensées suicidaires ou tentatives de suicide
  • Dysfonction sexuelle
  • Maladie psychiatrique chronique
  • Abus de substances intoxicantes
  • Incapacité de travailler

 

[1]Les facteurs énumérés ci-dessus sont tirés de l’annexe 6 de l’accord de règlement. L’annexe 6 comprend également une note avertissant que « la composition des niveaux [...] a pour but de faciliter la préparation de l’entretien et d’aider à déterminer le niveau approprié d’indemnisation. Il ne s’agit pas de présenter une liste de facteurs dont il faut constater l’existence dans un cas donné pour décider du niveau d’indemnisation. »